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Vie du général BÉTHOUART

Quand le foyer devient flamme ...

Marie Émile Antoine Béthouart naît à Dôle dans le Jura, le 17 décembre 1889. C'est auprès de sa mère qu'il est sensibilisé à l'idée de revanche et qu'il envisage une carrière militaire. Mais ce sera la situation internationale qui finira par le décider.

Il réussit le concours de St-Cyr en 1909. Mais comme le veut la loi de 1905, il est tenu au préalable d'accomplir un stage en corps de troupe : ce sera le 159ème régiment d'infanterie alpine. En 1910, il intègre la Spéciale. Il est secrétaire de sa promotion, promotion « de Fez », la même que celle de De Gaulle et Juin. Lorsqu'éclate le 1er conflit mondial il est chef de section au 152ème Régiment d'infanterie.

Du fond de la tranchée ...

Il y est remarqué pour ses qualités et dès décembre 1914, il prend le commandement d'une compagnie au 158ème Régiment d'infanterie. Blessé une première fois le 15 mars, il l'est à nouveau le 14 mai. Après 9 mois de convalescence, il sert à l'état-major de la 77ème Brigade avant de reprendre un commandement. Il finira la guerre en ayant participé à toutes les grandes batailles : Verdun, la somme, le chemin des Dames. Il aura été blessé et cité trois fois.

Aux cimes enneigées

A l'issue de la guerre, Béthouart part en Finlande au sein d'une mission d'instruction afin de doter le jeune pays d'une solide armée. Son séjour est rapide. En février 1920, il passe le concours de l'école de guerre avec succès. Mais ce qu'il y trouve le déçoit. Il écrira : « nous demandions une doctrine nouvelle, on ne nous a donné que du passé ». De plus il refuse ce qu'il appelle l'« acharnement à paraître défensif ». Son stage terminé, il part commander une compagnie, au 6ème BCA. A nouveau remarqué, il est nommé en décembre 1925 au Centre Tactique d'études de Montagne où il fournit un travail important. Il écrit notamment un ouvrage « le livre de l'alpin », qui sera surnommé « le bréviaire de l'alpin ».

Après une courte période comme chef de bataillon au 159ème RIA, il prend le commandement du 24ème BCA qu'il pousse au 1er rang des troupes de montagne. Mais son travail au CTEM le rattrape. Ses avis sont maintenant recherchés par le roi Alexandre 1er de Yougoslavie qui le réclame comme attaché militaire. S'il parvient pendant 8 ans à former son armée au combat en terrain difficile, il est surtout l'observateur privilégié mais négligé par Paris, de la montée du nazisme dans les Balkans qui favorisera l'Anschluss. Rappelé à Paris, il est rapidement déçu par l'esprit qui règne dans les Armées. L'acharnement à paraître défensif s'est traduit par la ligne Maginot dont il commande un ouvrage lorsque la guerre éclate. Il enrage et écrit : « Une armée qui n'a pas d'esprit offensif est incapable de vaincre. Pour pouvoir un jour créer la décision favorable, il faut l'avoir longtemps économisée, homme par homme. Mais il faut aussi l'avoir préparée et instruite avec soin en lui donnant la première de toutes les qualités au combat comme dans la vie : l'initiative ».

La Seconde Guerre Mondiale

Il va être servi. Le 8 janvier 1940, le généralissime Gamelin lui confie un rôle à sa mesure : créer de toute pièce une BHM pour intervenir en Scandinavie. Il s'impose sans problème dans cette opération interalliées où il commande l'ensemble des troupes à terre, françaises, polonaises, norvégiennes. Après trois débarquements qui sont autant de succès, il remporte la seule victoire française de 1940. Mais plus encore, il montre que les opérations combinées restent possibles.

Après l'armistice, il est envoyé au Maroc pour commander la subdivision de Rabat, puis la division de Casablanca. C'est alors qu'il est mis au courant du débarquement américain. Arrêté, ses ordres permettent néanmoins de limiter les pertes alliées, là où ils ont été transmis. Il est ensuite envoyé aux États-Unis de décembre 1942 à novembre 1943 pour négocier le réarmement de l'armée française dans une ambiance délicate vu que le gouvernement officiel français est celui de Vichy. Il réussit toutefois en ayant transformée sa mission en ambassade visant à faire connaître et plus généralement aimer la France. De retour en France, il assume quelques mois la fonction de chef d'état-major de la Défense nationale. Il est alors le bras droit de de Gaulle, et notamment lors du débarquement de juin 44.

Mais Béthouart veut un poste pour la bataille et demande à prendre un corps d'armée. Il obtient le 1er corps, dans l'armée de de Lattre qu'il rejoint le 31 août 1944. Durant la remontée victorieuse par l'est de la France, Béthouart va se révéler à nouveau grand tacticien, réalisant parfois des manœuvres audacieuses mais gardant toujours le souci de ses hommes.

Il dira : « un succès obtenu avec des pertes exagérées en vies humaines et même en matériel n'est pas un vrai succès. L'honneur d'un chef militaire est d'imposer sa volonté à l'ennemi voire de le détruire avec le minimum de sacrifices » . Dans un environnement interalliées qu'il connaît bien à présent, il va talonner les Allemands en fuite, libérant Mulhouse, réalisant la percée de Belfort et s'emparant de Colmar en liaison avec le 6ème Corps américain. Sa dernière manœuvre sera l'enveloppement de la forêt Noire.

Prince au Tyrol

Il est nommé dans la foulée, Haut Commissaire de la République Française en Autriche. La situation qui l'attend est désastreuse : accueilli par une population méfiante, le pays dans lequel il arrive est ruiné. Béthouart doit alors s'occuper, entre autre, du ravitaillement, des personnes déplacées et de la dénazification. D'emblée, il va prendre de court la population en inscrivant sur les postes frontières : « Autriche, pays ami ». Puis, il va dépasser le simple rôle d'administrateur en se faisant autrichien. Il autorise ainsi le culte rendu à Andreas Hofer, résistant autrichien fusillé par les troupes napoléoniennes, et le déclare même « grand résistant ». Plus généralement, il suscite un renouveau de la culture autrichienne fondé sur des relations étroites et amicales avec la France incluant, par exemple, nombre d'expositions d'œuvres d'art. L'important pour Béthouart, étant de rendre rapidement à l'Autriche son indépendance à la fois culturelle et territoriale, et d'en faire un phare occidental face à la marée rouge qui déferle à l'est.

En 1950, son mandat se termine. Mais il va continuer à servir durant près de 20 ans. D'abord en tant que défenseur des combattants. Il lutte ainsi pour le souvenir de ceux qui tombèrent à Narvik : pour qu'un cimetière décent leur soit accordé et pour qu'une rue de la capitale porte ce nom glorieux. Il prend aussi la tête de diverses associations d'anciens combattants et est membre de la commission des forces armées du Sénat. Mais il est aussi un fervent défenseur des intérêts des Français de l'étranger en tant que sénateur des Français résidant hors de France et membre du conseil supérieur des Français de l'étranger.

En 1971, il se retire de la vie publique. Il rédige alors ses mémoires, intervient dans quelques revues. Deux qualités resteront jusqu'au bout : son sens de l'humour et sa dévotion à sa « promo » dont il est toujours secrétaire. En 1980, il organise encore des réunions à douze.

Le général Béthouart meurt le 17 octobre 1982 après avoir servi la France sans relâche durant plus de 70 ans.